top of page
> ET LA LANGUE DE BARBARIE ?

Histoire d'un nom

(la Langue de Barbarie, petites et grandes histoires)

 

« Ca a commencé par un texto : "Et La Langue de Barbarie ?"

Des années auparavant, juste après notre premier spectacle - un roi qui se mourait et emportait avec lui le royaume -, on y avait été ensemble, sur cette langue de sable entre l’Océan Atlantique et le Fleuve Sénégal, et ça avait été un voyage important, une plongée dans l’ailleurs, dans le passé et le présent, dans le difficilement imaginable, aussi.

"Et La Langue de Barbarie ?" Ce jour-là, on en était à des dizaines de messages échangés entre les uns et les autres, les autres et les uns, et tout glissait sans s’accrocher : c'était trop signifiant ou pas assez, trop poétique ou pas assez, trop circassien ou pas assez, trop présomptueux, trop anecdotique, trop comique, trop tragique, trop… C’est compliqué, un nom de compagnie : ça doit révéler sans enfermer, dire sans raconter, et chacun a un rapport tellement différent aux mots et à leur contenu… "Et la Langue de Barbarie?", donc. La Langue de Barbarie, pour une compagnie qui travaille au carrefour de l’intime et du politique, ça avait de la gueule, non ? Ca disait l’Art et le Réel, le dicible et l’indicible, le petit et le grand… La Barbarie des orgues et celle des violences politiques, celle des figues et celles de ceux qu’on appelle comme ça juste parce qu’ils viennent d’ailleurs, c'est tout ce qu'on recherchait, non ?

Oui mais La Langue de Barbarie, dis, c'est pas un peu lourd à porter ? Parce que d’accord, on a envie d’explorer des zones sombres, de se pencher sur l’incompréhensible, mais on a aussi envie de le faire joyeusement : parce qu’on travaille sur l’Homme et ses mystères et que ça, quand même, c'est joyeux… Et puis bon, s’approprier un lieu qui existe, ça craint un peu, non ? Déjà qu’elle est en train d’être engloutie par le réchauffement climatique, cette Langue de Barbarie, alors si en plus on lui vole son nom…

Une autre voix proposa : et c'est quoi ses coordonnées géographiques, à la Langue de Barbarie ?

Internet répondit : « Langue de Barbarie : 15.55 Nord, 16.51 Ouest » – enfin tout dépendait d’où on mettait le curseur, un peu plus haut, un peu plus bas, mais globalement, oui, c'était ça.

Mais attendez, 15.55 Nord 16.51 Ouest, c'est beaucoup trop long, non ? Personne ne va jamais retenir, et puis franchement vous vous imaginez dire : bonjour, je suis X de la Compagnie 15.55 Nord - 16.51 Ouest ?

Et 16.51 Ouest alors ? Juste 16.51 Ouest ? Ca dit l’ailleurs, ça dit l’envie de découverte. Ca dit l’exploration d’espaces inconnus, de territoires au-delà, et tant pis si nos territoires inexplorés à nous ne sont pas forcément géographiques, mais mentaux, politiques ou sociaux. Et puis, 16.51 Ouest, ça dit le mystère, le on-ne-sait-pas-ce-qu’on-va-trouver, l’incertitude du sens et c'est important pour nous, l’incertitude. La précision de la recherche et l’incertitude de l’arrivée. La progressive avancée, l’ouverture des possibles. L’exploration pierre à pierre. Et surtout, l’envie de se donner un point de rencontre hors du théâtre, de se jeter dans le monde, d’y découvrir des orgues et des mots, des larmes et des rires.

Oui, 16.51 Ouest, c'était bien.

Maintenant, il faudrait juste être à la hauteur. »

Celia Daniellou-Molinié,

directrice artistique de 16.51 Ouest

(décembre 2018)

bottom of page